25
À notre arrivée, le Pilar était toujours ancré près de Cayo Confites et la plupart de ses passagers achevaient un petit déjeuner tardif autour d’un feu de camp.
Nous avions failli casser en deux le splendide Lorraine durant notre retour au key. Nous foncions à toute allure au milieu des embruns, soulevant des gerbes d’eau dans notre sillage, comme si nous cherchions à battre Satan à la course. La vedette de Tom Shevlin avait englouti tout son carburant, et les barils de réserve étaient bien entamés alors que nous n’étions pas encore en vue de l’îlot. Lorsque je fis remarquer ce gaspillage à Hemingway, il se contenta de répliquer : « Rien à foutre… les Cubains de Confites nous fileront de l’essence. »
L’écrivain me laissa prendre la barre durant le trajet. Tandis que nous quittions l’Enseñada Herradura, empruntant prudemment un passage entre les récifs et prenant de la vitesse à mesure que nous nous éloignions de Punta Roma, l’écrivain resta assis sur une banquette, le BAR chargé sur les genoux et le sac de grenades à fragmentation à ses pieds. Je ne lui posai pas de question, mais il devait espérer que le sous-marin de la nuit dernière allait surgir des eaux bleues du Gulf Stream tel un monstre marin venu des profondeurs glaciales. Cette image fut l’une de celles que je gardai d’Hemingway cet été-là : un chevalier mal rasé et fatigué guettant l’apparition du dragon tant espéré.
Aucun signe de sous-marin durant tout le trajet.
Les garçons et les hommes nous accueillirent autour du feu de camp.
« Comment s’est passé le voyage, Papa ? demanda Patrick.
— Vous avez trouvé une base de ravitaillement ? ajouta Gregory.
— Vous avez vu des sous-marins ? s’enquit Guest.
— On a vu des poissons volants, mais pas d’Allemands, déclara Gregory.
— Vous avez trouvé quelque chose d’important, Lucas et vous ? demanda Ibarlucia.
— On est contents que tu sois revenu, Papa », conclut Gregory.
Hemingway s’assit sur un tronc d’arbre, prit le gobelet de café fumant que lui tendait Guest et répondit : « Rien d’intéressant, les gars. Lucas et moi nous sommes baladés dans le chenal derrière Cayo Sabinas et nous avons exploré quelques criques sans trouver quoi que ce soit. On a dormi sur la plage la nuit dernière. Ça grouillait de bestioles.
— Où est Maria ? » demandai-je.
Ibarlucia désigna le Pilar, ancré à une vingtaine de mètres du rivage. « Don Saxon a eu une crise hier soir. Vomissements, diarrhée, tout le toutim. Il voulait rester à son poste, mais Gregorio a fini par l’installer sur une couchette, dans le compartiment avant, et Maria a passé la nuit avec lui. » Le pelotari me jeta un bref regard. « Pour le soigner, je veux dire. Il était vraiment mal en point.
— Comment se sent-il ce matin ? demandai-je.
— Il dort, répondit Winston Guest. Il y a deux ou trois heures, Gregorio et Maria nous ont rejoints à bord du Tin Kid pour prendre leur petit déjeuner. Elle est repartie pour s’occuper de Saxon. » L’athlète secoua la tête en signe d’admiration. « Cette fille a beau avoir peur de l’eau, elle s’est débrouillée comme un chef sur le dinghy. Si je tombe malade, je la veux pour infirmière.
— Je crois que je vais aller lui dire bonjour, déclarai-je.
— Elle devrait revenir dans pas longtemps, dit Patrick. On a prévu de lui montrer les récifs où on est allés pêcher hier. »
Je hochai la tête, me dirigeai vers la plage, ôtai ma chemise, mon pantalon et mes souliers crasseux et entrai dans le lagon vêtu de mes seuls sous-vêtements. Quoique déjà tiède, l’eau était agréable après la chaleur, le sang, le sable et la sueur qui avaient marqué la nuit et le matin. Je nageai vers le Pilar.
Maria fut surprise de me découvrir, presque nu et dégoulinant d’eau de mer. « José ! » Elle posa sa tasse de café, déboula de la coquerie et m’enserra dans ses bras. Puis elle rougit, recula d’un pas, regarda timidement mon slip qui collait à ma peau, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, en direction du compartiment avant, et dit : « Le señor Saxon s’est endormi, José, et le petit bateau est attaché ici, si tu… »
Je lui caressai les cheveux. « Je suis venu t’inviter à un pique-nique, Maria. »
Elle ouvrit de grands yeux, excitée comme une gamine. « Un pique-nique, José ? Mais on vient à peine de finir le petit déjeuner et… »
Je souris. « Ce n’est pas grave. Il nous faudra un certain temps pour nous rendre à l’endroit que je veux te montrer. On déjeunera là-bas. Prépare-nous quelque chose pendant que je vais chercher mon sac et que je m’habille. » Elle sourit, m’étreignit une nouvelle fois, et je lui donnai une claque sur les fesses alors qu’elle repartait vers la coquerie.
Dans le petit compartiment où étaient rangés les bagages, j’attrapai un short propre, une chemise en toile élimée et mes sandales de rechange. Puis je descendis dans le compartiment avant et secouai le marine pour le réveiller. « Vous vous sentez mieux ? lui demandai-je.
— Je me… sens… horriblement mal. » Saxon me regarda en plissant des yeux et fit claquer ses lèvres déshydratées. « Migraine. Comme une gueule de bois.
— Maria s’est occupée de vous cette nuit ?
— Ouais, elle… » L’opérateur radio se tut et soutint mon regard. « N’allez pas penser à mal, Lucas. Je vomissais tripes et boyaux. Je ne savais même plus où j’étais. Tout ce qu’elle a fait, c’est…
— Ouais. Vous avez intercepté des transmissions codées durant la patrouille d’hier ?
— Oui. » Le marine se prit la tête entre les mains. « Et une autre hier soir, après notre retour. Tard. Aux environs de minuit, je crois bien.
— Et vous avez réussi à la capter dans votre état ?
— Ouais. J’étais assis par terre dans la cabine radio, avec une cuvette entre les jambes et les écouteurs sur les oreilles. Hemingway n’a pas cessé de me répéter que je devais rester à l’écoute pendant la nuit.
— Vous l’avez notée ? »
Saxon me fixa une nouvelle fois. « Évidemment. C’est la seule notation de la page vingt-six du journal des transmissions. Je n’ai rien compris, bien entendu. Putain de nouveau code. »
Je lui posai une main sur l’épaule en guise d’adieu, puis me rendis dans la minuscule cabine radio. Le « journal des transmissions » – un carnet à spirale couvert de traces de doigts – se concluait par un échange entre un cuirassé britannique, au large de Bimini, et un cargo panaméen. La page vingt-six était manquante. Je retournai auprès de Saxon et le réveillai une nouvelle fois.
« Vous êtes sûr de l’avoir notée ? Il n’y a pas de page vingt-six.
— Impossible. Enfin, je crois bien… je me rappelle avoir noté quelque chose pendant que j’étais malade, mais je n’ai pas arraché cette page. Je ne le pense pas. Merde.
— Ne vous inquiétez pas pour ça. Vous ne vous rappelez aucun groupe de lettres ? »
Saxon secoua lentement la tête. Sous sa brosse militaire, son cuir chevelu était rougi par le soleil. « C’étaient des groupes de cinq lettres, je m’en souviens parfaitement. Douze ou treize groupes, je crois. Pas beaucoup de répétitions.
— Okay. Au fait, il n’y a pas de tonalité dans le récepteur.
— Bordel de merde. Cette saloperie de putain de machine de merde n’a pas arrêté de déconner durant toute la putain de journée d’hier. Saloperie de surplus de la marine à la con.
— D’accord. » Ne jamais tenter de discuter avec un marine qui a la gueule de bois, songeai-je.
Maria s’affairait toujours à préparer le panier pique-nique quand je regagnai la plage à bord du Tin Kid et demandai à Fuentes de m’amener jusqu’au Lorraine. Grâce aux soldats cubains, les réservoirs de la vedette furent bientôt pleins, et Maria m’attendait lorsque j’abordai à nouveau le Pilar.
« Le señor Saxon dort toujours », dit-elle. Procédant avec prudence, elle monta à bord de la vedette et posa le panier pique-nique au centre de la banquette arrière. Elle portait une robe propre, à carreaux bleus.
« Bien. » Je m’éloignai du bateau d’Hemingway, prenant la direction du passage entre les récifs. Patrick et Gregory hurlaient et gesticulaient sur la plage, de toute évidence contrariés par le départ de Maria, mais je me contentai de les saluer de la main.
« On peut vraiment faire ça, José ? demanda la jeune femme. Abandonner tout le monde par une aussi belle journée ? »
Je tendis une main vers elle, et elle vint jusqu’au siège du passager pour la saisir. « Ouaip, on peut. J’ai dit au señor Hemingway que je prenais une journée de congé. Je l’ai bien mérité. Et puis, le Pilar ne doit lever l’ancre qu’en fin d’après-midi. Nous serons rentrés largement à temps. » Elle me tenait toujours par la main lorsque je gagnai la haute mer et mis les gaz à plein régime.
Quoique toujours nerveuse à bord d’un bateau, Maria sembla se détendre au bout d’une demi-heure environ. Elle avait passé un foulard rouge sur sa tête, mais ses cheveux noirs volaient sous l’effet de la vitesse, et les embruns laissaient des perles sur le duvet de son avant-bras posé sur le plat-bord. La journée était splendide, le soleil déjà haut dans le ciel, et nous filions vers l’est à toute allure, secoués par les vagues sous notre étrave.
« Est-ce qu’on va très loin pour pique-niquer ? » Maria était tournée vers le sud, où la terre était réduite à une bande floue sur l’horizon.
« Non, pas très loin », dis-je en ralentissant. Une heure à peine nous séparait de la marée haute, mais le coin regorgeait de récifs dangereux. « C’est ici », dis-je en désignant le nord-est.
L’îlot ne faisait que six mètres de large et n’émergeait que d’une vingtaine de centimètres, cerné de toutes parts par les vagues du Gulf Stream.
Pendant que Maria me regardait comme si elle attendait la chute d’une plaisanterie, je m’approchai prudemment, jetant l’ancre de proue à environ six mètres de la plage. « José, ce n’est pas très haut et ça a l’air très dur… tous ces cailloux dans le sable.
— Ce n’est que le sommet d’un récif qui est exposé à marée basse. Il aura disparu dans… » Je consultai ma montre. « À peu près une heure. On a intérêt à descendre et à manger vite. »
Maria eut une moue de déception. « Je préférerais manger dans le bateau, José, si ça ne te dérange pas. Toute cette eau, ça m’inquiète. Je ne sais pas très bien nager, tu sais. »
Je haussai les épaules. « Comme tu voudras, fillette. » Elle sortit du panier de copieux sandwiches au roastbeef accompagné de radis – l’un de mes préférés – et de la salade de pommes de terre, ainsi que plusieurs canettes de bière. Celles-ci étaient enveloppées dans des serviettes humides qui les tenaient au frais. Elle avait même apporté des verres, et ce ne fut pas sans cérémonie qu’elle nous servit.
Je levai mon verre pour la saluer, le posai soigneusement sur la nappe qu’elle avait étalée sur le compartiment moteur – je ne voulais pas laisser un rond sur l’acajou de Shevlin –, et à voix basse, dis en allemand : « Qu’as-tu donné à Saxon hier soir pour le rendre malade ? »
Maria me regarda sans comprendre, puis demanda en espagnol : « Qu’est-ce que tu viens de dire, José ? J’ai reconnu le nom du señor Saxon, mais… pourquoi m’as-tu parlé dans cette langue ? C’est de l’allemand ?
— Peu importe, répondis-je, toujours auf Deutsch. Je suppose que tu n’as pas conservé la page du journal des transmissions ? »
Elle me fixa, visiblement soucieuse, mais seulement parce que je baragouinais dans une langue qui lui était inconnue. Puis, soudain, elle eut un large sourire. « Tu me taquines, José, dit-elle en espagnol. Est-ce que tu me dis des mots doux ? »
Je souris et passai à l’anglais. « Je dis que je vais sans doute être obligé de te tuer si tu ne te mets pas à table, salope. Peut-être que je te tuerai quand même, pour ce que tu as fait au petit Santiago, mais ta seule chance de t’en tirer vivante est d’arrêter tes conneries et de parler. As-tu envoyé un message ce matin avant de saboter la radio ? »
Maria continua de me fixer, sans cesser de sourire, déconcertée plutôt qu’inquiète.
« D’accord, repris-je en allemand. Viens à l’arrière du bateau. J’ai des cadeaux pour toi. »
Elle ne sembla pas comprendre l’invitation, jusqu’à ce que je me lève et me dirige vers l’arrière du pont. Toujours souriante, elle accepta la main que je lui tendais, passa entre le siège et la console, et se dirigea d’un pas prudent vers la banquette arrière.
J’ouvris le compartiment secret et en sortis un couteau à lame incurvée que j’avais trouvé sur le cadavre de l’un des deux jeunes Allemands. « Tu reconnais cet objet, Maria ? »
Elle sourit de toutes ses dents, visiblement soulagée de m’entendre parler dans une langue qu’elle connaissait. « Si, dit-elle, c’est un couteau pour trancher les cannes à sucre. On l’utilise au moment de la récolte.
— Très bien, dis-je en espagnol. Tu connais cet objet… mais tu ne connaissais pas l’expression « entre nous et la mer ». Tu aurais dû la connaître, Maria. Et moi, j’aurais dû comprendre à ce moment-là. N’importe quelle petite Cubaine élevée près de la côte aurait entendu des adultes utiliser cette expression. Es-tu Espagnole, ou bien Allemande d’origine espagnole ? Tu maîtrises fort bien le dialecte cubain, au fait. »
Maria ouvrit des yeux interloqués. « Qu’est-ce que tu racontes, José ? Je…
— Si tu m’appelles José encore une fois, je risque d’être obligé de t’abattre plus tôt que prévu. » J’attrapai le .357 dans le compartiment secret et le braquai sur elle d’un geste désinvolte.
« Sprechen Sie ! » ordonnai-je sèchement.
Maria releva vivement la tête, comme si je l’avais giflée.
Puis, lassé de ce petit numéro – le sien comme le mien –, je la giflai pour de bon. Assez violemment. Elle retomba sur la banquette, puis glissa sur le pont. Elle porta une main à sa joue et me fixa, la tête posée sur le plat-bord. Le couteau à canne était toujours là où je l’avais laissé, au milieu de la banquette arrière, plus près de moi que d’elle. Je tenais toujours le Magnum.
« D’accord, dis-je en anglais. Passons les choses en revue, et tu me corrigeras si je me trompe. Tu es l’un des deux membres du commando Todt de Becker. Panama. Depuis le début. Tu t’es infiltrée à Cuba il y a plusieurs mois. Si j’allais faire un tour dans ton village – comment s’appelle-t-il, déjà ? Palmarito, près de La Prueba, non loin de Santiago de Cuba –, je parie que personne n’y aurait entendu parler de la famille Marquez… en particulier une famille Marquez dont la fille se serait enfuie après avoir été violée par son frère. Mais peut-être que Maria Marquez a bien existé et que tu l’as assassinée. »
Maria continuait de masser sa joue rougie et de me regarder comme si je m’étais transformé en serpent venimeux.
« Bien, fis-je, repassant à l’allemand. Martin Kohler, le pauvre et stupide radio de l’Abwehr affecté au Southern Cross, se rend comme prévu au rendez-vous que tu lui as donné au bordel. Ou peut-être vient-il y retrouver le lieutenant Maldonado ? Peu importe. Tu attends le départ du policier cubain, tu tranches la gorge de Kohler… puis tu t’enfermes dans la salle de bains et te mets à hurler. Très astucieux, Maria. Hemingway et moi trouvons le carnet de notes que nous sommes censés trouver et tu t’infiltres dans la finca. Dieu du Ciel, quel jobard de merde j’ai fait ! »
Maria cilla, mais ne sourit pas en m’entendant prononcer le mot Scheisskopf.
« Tu étais déjà venue à la finca, bien entendu, poursuivis-je. Le soir de mon arrivée, quand tu nous as tiré dessus alors qu’on jouait aux cow-boys et aux Indiens dans la propriété de Frank Steinhart. Mais qui visais-tu, Maria ? Hemingway ? Ça n’a pas de sens. Moi ? Ça n’a pas de sens non plus, puisque vous teniez à ce que je sois là pour seconder cet amateur d’Hemingway dans cette histoire de finca, il fallait que quelqu’un l’aide à décoder les transmissions radio et à survivre à toutes ses épreuves. Il fallait que quelqu’un l’aide à se trouver au bon endroit au bon moment pour qu’on puisse vous servir de coursiers et livrer ceci à son destinataire… »
J’attrapai la sacoche des Allemands et la jetai sur la banquette en cuir, à côté du couteau à canne. Maria la fixa comme une personne perdue dans le désert fixerait un verre d’eau bien fraîche.
« Maria, tu ferais mieux de baisser ta robe, dis-je en allemand. De la façon dont tu es assise, je vois ta culotte et même tes poils. »
Elle rougit violemment et tirailla sur sa robe. Puis elle se figea et me lança un regard noir, un regard où, pour la première fois, je lus de la haine.
« Ce n’est pas grave, dis-je en espagnol. Tu es très forte. La journée a été dure, c’est tout. »
Elle se leva pour aller s’asseoir dans le coin de la banquette, ignorant soigneusement le couteau et la sacoche placés entre nous. « Señor Lucas, dit-elle lentement, avec un accent cubain prononcé, vous vous trompez à mon sujet, je vous le jure sur l’âme de ma mère. Je connais quelques mots d’allemand et d’anglais… je les ai appris dans la maison de la madame où je…
— Tais-toi, dis-je posément. Qui visais-tu cette nuit à la finca ? Est-ce que ça faisait partie du scénario, est-ce que c’était pour que je m’intéresse à cette histoire ? Ou bien souhaitais-tu avertir… voire tuer… l’un des autres convives ? Un agent secret ? Britannique, peut-être ? Winston Guest ? »
Ses yeux demeuraient indéchiffrables.
Je haussai les épaules. « Tu étais donc infiltrée parmi nous, tu recueillais des informations par tous les moyens à ta portée et tu les transmettais au Hauptsturmführer Becker… c’était Becker ton contrôleur, n’est-ce pas ? »
Elle resta muette. Son visage aurait pu être taillé dans l’ivoire. Pas un muscle ne frémissait.
« D’accord, fis-je. Ensuite, tu as tué le petit Santiago. Sans doute avec le même couteau dont tu t’étais servie sur Kohler au bordel. Tu es douée pour le couteau, fillette. »
Elle ne daigna regarder ni le couteau à canne, ni le .357 qui reposait sur ma cuisse.
« Quand le lieutenant Maldonado s’est pointé à la finca au bout de plusieurs semaines de recherches, j’ai trouvé ça un peu trop commode, repris-je en anglais. Un poil trop astucieux, comme diraient les Anglais. Mais ça a marché… on t’a invitée pour cette croisière. Et ensuite, fillette ? Tu étais tout près de ta cible… si Hemingway est bien ta cible. » J’observais les muscles autour de ses yeux, sans pouvoir en déduire quoi que ce soit. « Bien sûr que c’est lui, ta cible. Et moi aussi, sans doute. Mais quand devais-tu frapper ? Et pourquoi ? Une fois que nous aurions livré ces trucs… » Je tapotai la sacoche. « Allions-nous devenir gênants après avoir joué notre rôle ? Et pourquoi Columbia… ton équipier du commando Todt… a-t-il tué ces gamins allemands la nuit dernière ? On n’aurait pas pu leur demander de laisser ces documents là où nous avions toutes les chances de les trouver ? »
Maria porta une main à ses yeux, comme si elle allait se mettre à pleurer.
« Sans doute que non. Ces gamins recevaient leurs ordres de l’armée, de l’amiral Canaris. L’Abwehr ignore tout de ce qui se passe, n’est-ce pas, Maria ? Elle croit mener une opération à Cuba, et pendant ce temps, vous autres – toi, Becker, Himmler, feu Heydrich et le second membre du commando Todt –, vous en menez une autre. Une opération visant à trahir l’Abwehr. Mais la trahir auprès de qui… et pour quelle raison, Maria ? »
Elle sanglota doucement. « José… señor Lucas… je vous en supplie, croyez-moi. Je ne comprends rien à ce que vous dites. Je ne sais pas ce que…
— Ferme ta gueule. » Je plongeai une main dans le compartiment secret et en sortis l’objet enveloppé dans de la toile que j’avais trouvé dans le grenier à foin, la veille de notre départ. Je déballai le Remington .30-06 et le laissai choir sur le pont. Son viseur télescopique érafla l’acajou ciré. « C’était stupide de le cacher aussi près de toi, Maria, dis-je en allemand, utilisant un dialecte bavarois. D’un autre côté, tu risquais d’en avoir besoin assez vite, hein ? Ce sont tes spécialités, le fusil et le couteau ? Je sais que tu es un Vertravensmann et un Todtagenten, mais es-tu un de ces super-agents… un de ces Grossägenten qui nous faisaient tellement peur, au Bureau ?
— José… »
Je la giflai violemment du revers de la main. Sa tête bascula vers l’arrière, mais cette fois-ci elle ne tomba pas sur le pont. Pas plus qu’elle ne porta une main à sa joue rougie ou à ses lèvres en sang.
« Je t’ai dit que je te tuerais plus tôt que prévu si tu m’appelais encore José, murmurai-je en espagnol. Je ne plaisante pas. »
Elle acquiesça lentement.
« Dis-moi qui est l’autre membre du commando Todt, ordonnai-je sèchement. Delgado ? Quelqu’un d’autre ? »
La femme que j’avais longtemps appelée Maria se contenta de sourire. Elle ne répondit pas.
« Sais-tu comment j’ai fait parler Teddy Schlegel ? » dis-je en allemand. J’attrapai un long tournevis dans la boîte à outils rangée dans le compartiment arrière et le posai sur la banquette, à côté du couteau. « Avec une femme, les possibilités sont plus nombreuses. » Je la gratifiai d’un sourire carnassier.
Si la haine avait été une arme, son regard m’aurait tué.
« Tu vas tout me dire, déclarai-je en anglais. Y compris tous les détails de l’opération. Enlève ta robe. »
Elle releva vivement la tête. « Hein ? » dit-elle en espagnol.
Je l’agrippai par les poignets et l’obligeai à se lever. Je la lâchai de la main droite, passai le .357 à ma ceinture, et déchirai la robe sur toute sa longueur ; les boutons blancs s’envolèrent et allèrent rouler sur le pont, près du Remington déchargé. Puis je lâchai l’un des poignets de Maria et lui arrachai sa robe, la réduisant en lambeaux que je jetai par-dessus bord.
De sa main libre, elle tenta de me griffer les yeux. Une gifle l’envoya valser dans le coin de la banquette avant. Je n’avais pas manqué de remarquer à quel point ses soutiens-gorge et ses culottes étaient chastes – après tout, c’était une putain –, et c’était encore le cas aujourd’hui. Le coton blanc luisait sous l’éclat du soleil. Au-dessus du soutien-gorge, ses seins semblaient lourds, blancs et vulnérables, ses cuisses très pâles.
« D’accord, dis-je en me tournant vers le compartiment pour fouiller à l’intérieur. Une dernière chose à te montrer, et ensuite… »
Elle était rapide – plus rapide que je l’avais prévu. J’eus à peine le temps de pivoter sur moi-même et de lui enserrer le poignet droit pour éviter de me faire déchiqueter les reins par le couteau à canne. Si celui-ci avait eu une lame droite plutôt qu’incurvée, s’il s’était agi d’une dague plutôt que d’une petite machette, elle m’aurait terrassé.
Elle était aussi plus forte que je l’avais prévu. Toutes ces nuits passées à rouler sur les matelas et le sol de la chambre – prisonnier de l’étreinte amoureuse de ses cuisses et de ses bras – auraient dû me rendre plus avisé. Elle faillit réussir à dégager sa main droite, toujours refermée autour du couteau, et, de la gauche, chercha à s’emparer du .357 passé à ma ceinture.
Je dus utiliser mes deux mains pour lui faire lâcher le couteau. Il tomba sur le pont déjà bien encombré, mais Maria réussit à saisir le pistolet. D’un bond, elle se réfugia dans le coin et le pointa sur mon visage avant que j’aie eu le temps de réagir. Elle tenait l’arme des deux mains, les bras tendus, l’index sur la détente. Elle aurait tiré avant que je parvienne jusqu’à elle.
« Maria, dis-je d’une voix tremblante. Ou quel que soit ton nom… on peut encore s’entendre. Personne n’est au courant sauf moi, et je ne…
— Schwachsinniger ! » gronda-t-elle, et elle pressa la détente. Le percuteur retomba sur une chambre vide. Je disposais d’une seconde pour réagir avant qu’elle fasse une nouvelle tentative, mais je ne bougeai pas. Le percuteur retomba à vide une deuxième fois. Une troisième.
« J’étais sûr de mon fait, dis-je en anglais. Mais il me fallait une confirmation. » J’avançai d’un pas et lui pris le pistolet déchargé.
Elle me décocha un coup de coude dans l’estomac et plongea vers le couteau.
Hoquetant, je l’agrippai par la taille et la tirai en arrière. Nos corps enlacés tombèrent sur la banquette, faisant tanguer la vedette. Maria tenta de me griffer les yeux, mais j’avais enfoui mon visage entre ses omoplates, et ses ongles n’éraflèrent que ma nuque. Je la poussai violemment vers le coin et me redressai en hâte.
Vive comme une panthère, Maria rebondit et se mit en position de combat. Son bras droit était rigide, sa main formait une manchette renforcée par son pouce replié. Elle avança d’un demi-pas et tenta un direct au ventre, espérant m’atteindre en dessous des côtes et me réduire le cœur en bouillie.
Je parai le coup de l’avant-bras gauche et lui décochai un crochet du droit au menton. Elle s’envola au-dessus du pont comme un sac de linge sale, et sa tête frappa le plat-bord en chrome, produisant un bruit sec évoquant une détonation. Elle s’affala de tout son long, les jambes écartées, luisante de sueur entre les seins et autour de sa chaste culotte blanche, les yeux papillonnants. L’agrippant par les poignets, je la giflai doucement pour la ranimer. Je ne l’avais pas frappée fort au point de la tuer ou de l’assommer, mais le choc sur le plat-bord avait dû l’amocher. Il y avait du sang sur le chrome.
Elle ouvrit les yeux.
« Je suppose que tu n’as pas conservé la page du journal des transmissions, dis-je. Tu es trop futée. Mais autant vérifier. » Je la soulevai d’une main et lui arrachai son soutien-gorge et sa culotte. Aucune trace de la page manquante. Je m’y attendais. Une partie de moi-même observait la scène tel un arbitre indifférent, tentant de déterminer si je jouissais de mes actes. La réponse était négative. J’avais l’impression que j’allais vomir d’un instant à l’autre.
« Okay, fis-je. C’est l’heure du pique-nique. » Je la hissai et la jetai par-dessus bord.
L’eau acheva de lui faire reprendre conscience, et elle battit des bras pour revenir près du bateau. J’attrapai la gaffe pour la repousser. Elle se retourna et franchit tant bien que mal les six mètres la séparant du minuscule key, se redressant une fois parvenue sur le sable et la roche du récif émergé. Quand elle se retourna pour me lancer un regard furibond, je vis l’eau salée goutter de ses cheveux sur ses seins et ses genoux.
Je rangeai la gaffe, le Remington, le couteau, la sacoche et le .357, levai l’ancre et jetai par-dessus bord les restes de notre pique-nique. Puis je lançai à Maria une gourde pleine d’eau. Elle l’attrapa d’une main, par la sangle.
Je fis démarrer le moteur et mis le cap à l’ouest. « Je retourne à Confites, lançai-je. Mettre de la teinture d’iode sur mes éraflures. La pleine mer est pour dans trente-cinq minutes. Le récif sera englouti sur toute sa hauteur et les courants sont plutôt violents, mais si tu arrives à enfoncer tes pieds dans le sable ou à les coincer dans le corail, peut-être que tu pourras t’accrocher par les orteils.
— José ! s’écria la femme sur l’îlot. Je ne sais pas nager !
— Ça n’a pas grande importance. Cayo Confites est à vingt-cinq milles d’ici. » Je désignai le sud. « Il y en a vingt jusqu’à la côte ou jusqu’à l’archipel de Camagüey. Les courants dominants pourraient te porter, mais il y a pas mal de requins dans le coin. Sans parler, bien entendu, de tous ces récifs qui risquent de te déchiqueter.
— Lucas ! hurla-t-elle.
— Réfléchis bien. Réfléchis à mes questions. Peut-être que je reviendrai quand tu commenceras à flotter. Le seul moyen de t’en sortir, c’est de me donner quelques réponses. Tu as envie de parler maintenant ? »
Elle me tourna le dos et contempla les vagues qui léchaient le key. Peu importait qui elle était, agent ennemi ou tueur impitoyable, elle avait un dos et des fesses splendides.
Je mis les gaz et fonçai vers l’ouest. J’attendis d’avoir parcouru deux milles pour prendre les jumelles et regarder derrière moi. Cayo Cerdo Perdido était déjà invisible, mais l’îlot ne devait pas être tout à fait submergé, car je distinguais la pâle silhouette de Maria sur fond de ciel bleu et de mer encore plus bleue. Je crois qu’elle regardait dans ma direction.
Le Pilar apparut à l’horizon, mouillant à l’endroit exact que nous avions choisi pour notre rendez-vous. Hemingway était seul à bord. Il descendit de la passerelle de pilotage et plaça une défense en kapok le long de la coque vert et noir pour la protéger d’une collision avec la vedette.
« Elle vous a dit quelque chose ? » demanda-t-il. S’aidant d’une gaffe, il accrocha le Lorraine à un étançon afin de l’immobiliser.
« Elle m’a traité de Schwachsinniger », répondis-je.
Hemingway ne trouvait pas ça drôle, et moi non plus.
« Tout le monde pense que nous sommes cinglés, aujourd’hui », reprit-il en se tournant dans la direction de Cayo Confites.
J’acquiesçai et me frottai la joue. Sans l’avoir prévu, je me retrouvais moi aussi avec une barbe de pirate. Je consultai ma montre. Mon estomac m’élançait là où elle l’avait frappé. Ou peut-être était-ce autre chose.
« Et maintenant ? demanda Hemingway.
— Je n’ai pas l’intention de la tabasser et de la torturer davantage. » Ma voix semblait abattue à mes propres oreilles. « Je retournerai là-bas quand elle aura de l’eau autour des chevilles, mais si elle refuse toujours de parler, on devra la ramener à La Havane avec nous.
— Et qu’est-ce qu’on va faire d’elle ? La livrer à Maldonado et à la Police nationale ? À votre ami Delgado ?
— Je serai obligé de l’amener à l’antenne du FBI à La Havane. Leddy et ses collègues ne vont pas apprécier, et sans doute que nous ne saurons jamais quel était le but de l’opération Corbeau, mais ils l’arrêteront, ainsi que Becker. Peut-être que celui-ci les renseignera sur ses plans et ses effectifs.
— Ou peut-être pas », dit l’écrivain en fronçant les sourcils. Nous nous balancions toujours sur la mer couleur azur. « Peut-être que vos potes du Bureau savent déjà le fin mot de l’histoire. Peut-être que Xénophobie leur parlera des deux Allemands morts et de leur sacoche, peut-être qu’on sera obligés de refiler tous les documents au FBI sous peine d’être fusillés pour trahison, et peut-être que tout se passera comme ils l’avaient prévu, après tout. »
Je consultai ma montre une nouvelle fois. « Peut-être, oui. Mais une chose est sûre : si je ne retourne pas à Cayo Cerdo Perdido dans les minutes qui viennent, toute cette discussion deviendra purement théorique. Nous n’aurons aucune prisonnière à livrer. » Je fis démarrer le moteur pendant qu’Hemingway repoussait la vedette et remontait la défense. « Hé ! lui lançai-je. Ce surnom… Xénophobie… c’était une de vos blagues, pas vrai ? Vous ne l’avez jamais crue, vous ne lui avez jamais fait confiance, n’est-ce pas ? Depuis le début.
— Évidemment », dit Hemingway, qui regagna sa passerelle de pilotage.
Je rattrapai le Pilar vingt minutes plus tard. Cayo Confites était encore derrière l’horizon, à l’ouest. Hemingway ralentit et me lança un regard furibond alors que je coupais le moteur de la vedette, mais il ne descendit pas de sa passerelle de pilotage.
« Où est-elle, Lucas ? Qu’avez-vous fait d’elle ? » Il fouillait du regard le pont du Lorraine, comme si j’avais planqué Maria sous les banquettes.
« Je ne lui ai rien fait, dis-je. Quand je suis arrivé là-bas, elle avait disparu.
— Disparu ? » répéta-t-il stupidement. Une main en visière, il scruta l’horizon à l’est, comme s’il allait la voir en train de fendre les eaux.
« Disparu, confirmai-je. Il restait encore quelques mètres carrés de terre ferme. Mais elle n’était plus là.
— Bordel de merde. » L’écrivain ôta son sombrero et se passa la main sur la bouche.
« J’ai fait plusieurs circuits au sud, entre le key et la côte, mais je n’ai rien trouvé. » Ma voix semblait de nouveau étrange à mes propres oreilles. « Elle a dû se mettre à nager.
— Je croyais qu’elle ne savait pas nager », lança-t-il depuis son perchoir.
Je lui adressai un regard furieux mais restai muet.
« Peut-être qu’un requin l’a attaquée », suggéra-t-il.
Je bus un peu d’eau à la gourde que j’avais retrouvée flottant sept ou huit cents mètres au sud de l’îlot. Je regrettais de ne pas avoir de whiskey à bord.
« Pensez-vous que l’U-Boot de la nuit dernière ait pu la recueillir ? » demanda Hemingway.
Cette hypothèse méritait réflexion. Elle n’était pas dénuée d’humour. Le capitaine de l’U-Boot, s’il avait vu dans son périscope une femme nue naufragée sur ce minuscule îlot, à vingt milles de la côte, ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait d’un agent allemand. Si elle se trouvait effectivement à bord de ce sous-marin, dont l’équipage n’avait pas touché terre depuis plusieurs mois, ce qui lui arrivait en ce moment était infiniment plus désagréable que tout ce que j’aurais pu imaginer pour la faire parler. Certes, elle n’aurait pas manqué de s’identifier et d’expliquer sa situation, en allemand qui plus est, mais je ne pensais pas que cela aurait changé quoi que ce soit.
« Aucune chance, répondis-je finalement. Soit elle est partie à la nage, soit une vague l’a renversée et elle s’est noyée. »
Hemingway se tourna une nouvelle fois vers l’est et opina. « Avant que je parte, Saxon m’a dit qu’il avait jeté un coup d’œil à la radio.
— Et alors ?
— Elle a cassé un des tubes à vide. Comme nous n’avons pas de pièces de rechange, nous ne pouvons rien capter tant que nous ne serons pas rentrés pour remplacer cette saleté de tube. »
Je ne fis aucun commentaire. Le roulis et le spectacle du Pilar ballotté par les vagues me donnaient mal au ventre. D’un autre côté, ce n’était pas la première fois.
« D’accord, lançai-je, on va récupérer vos potes et vos gamins, et on rentre.
— Qu’est-ce qu’on leur dit à propos de Miss Maria ?
— Qu’elle avait le mal du pays et que je l’ai amenée jusqu’à la côte pour qu’elle puisse retourner dans son village. » Je me tournai vers le sud-est. C’était par là que se trouvait Palmarito, près de La Prueba.
« Nous n’aurons plus l’occasion de parler en privé », reprit Hemingway. Il avait recoiffé son sombrero, et de minuscules trapézoïdes de lumière constellaient son visage. « Que va-t-il se passer à notre retour, vu que nous n’allons pas livrer la sacoche comme prévu ? »
J’avalai une nouvelle gorgée d’eau, puis rebouchai la gourde et l’attachai au dossier du siège du pilote. Je m’essuyai les lèvres. L’éclat du soleil sur les vagues et sur le chrome me donnait le vertige. « En voyant que nous ne jouons pas notre rôle, soit ils annuleront l’opération et s’en iront, soit…
— Soit ?
— Soit ils enverront l’autre moitié de leur duo d’assassins s’occuper de nous.
— S’occuper de moi, vous voulez dire. » Je haussai les épaules.
« On ne peut rien faire pour les en empêcher ? demanda Hemingway. Retrouver cet enfoiré de Hauptsturmführer Becker, par exemple ?
— On peut toujours essayer. Mais Becker a dû s’arranger pour être introuvable. Il va transmettre ses instructions à ses agents, et prendre ensuite le premier bateau pour le Brésil ou l’Allemagne. Peut-être est-il déjà parti.
— Vous pensez que c’était lui qui tenait la lanterne la nuit dernière ? Je crois que les deux gamins l’ont vu avant que le tireur les abatte. Ils se croyaient en sécurité. Vous pensez que c’est Becker qui a joué les Judas ?
— Ouais. Peut-être. Comment le saurais-je, bordel ?
— Ne prenez pas la mouche, Lucas. » Il se tourna une nouvelle fois vers l’est. « Ceci est contrariant.
— Quoi donc ? »
Il était solidement campé sur ses jambes, en équilibre malgré les mouvements du Pilar, un large sourire aux lèvres. « Maintenant, il faut trouver un nouveau nom pour ce petit key afin d’annoter nos cartes. Que dites-vous de Cayo Puta Perdida ? »
Je secouai la tête, fis démarrer le moteur et mis le cap au nord-nord-ouest.